La dynamique d’une extrême-droite globale doit être stoppée. Par Boris ENET.

Boris ENET Militant socialiste de la métropole de Montpellier

La dynamique d’une extrême-droite globale doit être stoppée

Qu’il est douloureux à l’heure où nous nous inclinons devant la disparition de Robert Badinter que de constater l’actualité dramatiquement brûlante des combats de son existence. L’homme en avait d’ailleurs pleinement conscience lors des derniers entretiens qu’il accorda au cours des dernières années de sa vie. Partout, le poison nationaliste se réveille de sa torpeur avec son cortège de haines réchauffées, de solutions « ready made », de révisionnisme à la petite semaine. Bien sûr, la galaxie de ce courant politique est presqu’aussi confuse que la gauche actuelle mais un certain nombre de dénominateurs communs demeurent et dessinent en pointillé un programme et un horizon pour les peuples. Contre l’Etat de droit et celui du droit international impliquant les Droits de l’Homme par définition inaliénables pour lesquels R. Badinter a plaidé, argumenté et milité, les nationalistes poursuivent tous leur affaiblissement quand ce n’est pas leur destruction. Quand V. Poutine passe aux travaux pratiques contre un peuple d’Europe, expliquant que « comme Hitler, il est mal compris », sa cinquième colonne au sein de l’UE par la voix des collaborateurs de M. Bolloré ou de Reconquête, instillent le doute sur l’abolition de la peine capitale. Lorsqu’il s’agit d’affronter le monde et ses rapports de force en face pour accentuer la coopération à venir d’une Europe de le défense contre la dictature et les autocraties qui guettent, tous se donnent la main pour bêler le retour des nations et l’arrêt du conflit, de Trump à Bardella, de Le Pen à Orban, de Maréchal à Geoffroy Lejeune.

Bien sûr la rhétorique munichoise est esseulée, bien sûr il n’est pas encore minuit dans ce nouveau siècle et les Déat et autres Doriot issus des rangs de la gauche ne sont pas encore majoritaires pour leur emboîter le pas derrière une apparente défense d’une paix des braves en guise de capitulation honteuse et mortifère. Mais tout de même. L’on est toujours surpris du calme avant la tempête quand bien même serait-elle annoncée et scrupuleusement veillée. La thématique du réarmement européen revendiqué par R. Glucksmann – bien différente du réarmement macronien – après un écrit minutieusement détaillé sur l’ingérence russe l’an dernier, peine à porter à une échelle suffisamment vaste, justifiant notre inquiétude.  L’on assiste parallèlement à une tentative de révision de l’histoire, de la science et de la morale politique issues des Lumières sans qu’un cordon sanitaire ne se dresse comme il le fut jusqu’au début des années 2000, dans un assourdissant mutisme civique. Assauts contre les sciences qu’elles soient d’ordre sanitaire ou climatique, d’ordre sociale ou humaine, c’est l’autre dénominateur de cette droite extrême nous renvoyant au Moyen âge. Et comme G. Kepel évoqua il y a plus d’une décennie le djihadisme d’atmosphère, vilipendé par les idiots utiles de ce qu’on appellerait quelques temps plus tard la « gauche woke », l’on observe la constitution d’une Internationalisation de l’extrême droite, globale, qui imbibe le climat politique de ses thématiques, dans une sorte de revanche a posteriori du Club de l’Horloge du début des années 80. Lorsque celle-ci déploie un ultra libéralisme de combat contre l’impôt, l’Etat-providence et le code du travail en Argentine, sa voisine trumpiste nord-américaine déploie sa rhétorique populiste contre les mécanismes financiers de solidarité de l’Alliance atlantique comme pour mieux conforter les efforts de l’impérialisme russe. Quand elle se coalise dans l’UE pour défaire le « green deal » et s’attaquer à toute mesure de progrès écologique contre les désastres du productivisme, elle fait écho au bilan dramatique des partisans encore nombreux de Bolsonaro au Brésil, en terme de déforestation mais aussi de soutien aux grands propriétaires terriens locaux.

Ne nous y trompons pas, l’extrême-droite est bien diverse et ce fut souvent notre chance que de la voir s’entre-déchirer en pleine dynamique. En France, celle qui revendique son lien de parenté avec Maurras et Pétain par le biais de Zemmour n’est pas majoritaire tandis que le programme économique nationalpopuliste de Bardela – Lepen n’a que peu de rapports avec l’ultra libéralisme vendu par l’ancien chroniqueur du Figaro. Certes. Mais il n’empêche que la même haine des Droits de l’Homme, de la construction européenne, du droit des populations immigrées, réunissent ces gens-là dans un même rejet. La même suspicion à l’égard des acquis de la révolution française et du droit du sol, le même rejet du féminisme, du droit des homosexuels au nom de la Sainte famille, le même dénigrement raciste au bénéfice de la préférence nationale, la même thématique de l’ordre au détriment des droits constitutionnels et de ceux garantis par la Cour européenne de Défense des Droits de l’Homme aboutissent à ce conglomérat difforme dont on connaît les contradictions mais dont on aurait tort d’ignorer les passerelles.

Face à de tels périls, il faut être en mesure de choisir et de ne pas mégoter sur les principes. Or, à la lecture de la constitution de la liste socialiste sous la jalouse surveillance d’O. Faure et de ses affidés, on est en droit de s’interroger. Comment, au gré de ces circonstances, associer « un zeste de social-démocratie pour trois doses de nupes », comme le titrait le journal L’Opinion ? Comment sous la toque en cuisine, préserver tout et son contraire dans une campagne européenne entre ceux qui pointent les dangers, alertent et plaident pour le réarmement idéologique et militaire des démocraties et ceux qui, ailleurs à gauche, détournent le regard ou réfutent l’idée même d’une défense militaire contre l’agression russe ? On peut naturellement invoquer la mémoire de R. Badinter à l’occasion de sa disparition mais il est beaucoup plus opérant et autrement plus sincère que de poursuivre l’œuvre d’un homme en ne dérogeant pas à ses principes, ce qui distingue les hommes d’appareil de ceux dont on se souvient. On peut naturellement louper un rendez-vous électoral, il est autrement plus grave de louper celui avec l’Histoire. C’est la raison pour laquelle il ne saurait y avoir de demi-mesure sur le plein soutien à cette orientation fédérale et europhile incarnée par R. Glucksmann en lui préférant le maintien d’un improbable « moratoire » avec celles et ceux qui ont choisi, en conscience, l’abandon pratique de l’Ukraine.

Boris ENET

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