Une nouvelle devise de l’Europe ? Par Pierre PRIBETICH.

Pierre PRIBETICH, ancien Député européen, 1er Vice-président de Dijon Métropole – Maire adjoint de Dijon.

Une nouvelle devise de l’Europe ?

“Si vis pacem, para bellum”, remplacera-t-elle la devise actuelle de l’Europe : Unie dans la diversité ?

Durant plusieurs décennies, les partisans de l’Europe ont vanté l’installation d’une paix durable au sein d’un continent meurtri par de nombreuses guerres dont deux guerres mondiales.Les drapeaux des valeurs communes: liberté, tolérance, démocratie …ont été brandis à la face du monde, espérant qu’avec une politique commerciale touchant plus d’un demi milliard d’habitants de notre terre, elles s’imposeraient à tous, par la force du marché européen, confortant cette vision et  la réalité d’un territoire pacifique certes pusillanime, à la politique étrangère timide pour ne pas dire absente.

Mais le 24 février 2022, Vladimir Poutine décide de l’invasion de l’Ukraine.Les dirigeants de l’Union européenne sont sous le choc, parce qu’ils étaient convaincus que cette offensive se limiterait à la région du Donbass…

La situation telle une vague va emporter toutes les certitudes et laisser place à une cruelle réalité : la guerre est là, aux portes de l’Europe et oblige à une remise en question rapide des positionnements – pour certains comme l’Allemagne des fondements – de leurs politiques étrangères : sanctions, aides financières et humanitaires et surtout livraisons d’armes ne sont plus des tabous, loin des casques offerts initialement par l’Allemagne…

La démonstration faite au  cours de la crise de la Covid19 par cette capacité d’agir de manière commune, par la création d’un fonds de relance ou l’achat de vaccins,  a sans doute surpris l’opinion publique. Cette politique par la preuve  a instillé la petite musique d’une Europe, utile à nos concitoyens de l’Union européenne, loin des règlements tatillons mis en place et utilisés de manière politicienne sans vergogne par certains élus locaux pour masquer l’insuffisance de leurs propres politiques.

De manière allégorique, on pourrait penser que cette capacité commune se comporte la lampe  magique d’Aladin avec un génie accomplissant ainsi toutes nos volontés – sans limite apparente – afin de vivre en prospérité. Mais la politique n’est pas un conte et seules les décisions, les politiques communes européennes peuvent amener la paix et la prospérité.

Plusieurs champs requièrent cette démarche commune afin d’assurer paix et prospérité en premier la défense de l’Union européenne.

Concernant la défense, la Commission réfléchit à l’organisation du secteur de la défense notamment à la structuration des entreprises liées à ce pan important de l’économie. Elle se heurte à plusieurs difficultés qui limitent la concrétisation d’une potentielle volonté d’une défense commune européenne. La balkanisation de l’industrie de défense, les freins en tout genre pour générer des achats groupés, communs d’armement et des équipements militaires associés sont un des aspects limitatifs de la construction et de la mise en place d’une défense européenne. L’absence d’autonomie technologique de l’union européenne conforte cette situation préoccupante de notre industrie européenne de défense. Cette dépendance maladive à la Chine et aux Etats unis alors que l’Europe technologique, de la recherche possède toutes les potentialités de créer, de produire des armes plus ou moins sophistiquées nous place sous perfusion sans parler des chaînes d’approvisionnement de l’industrie de défense aussi dépendantes de l’extérieur.

Les comportements nationaux des industries de défense accentuent ce statu quo, cette résistance au changement, à la mise en commun.A lire ces quelques lignes, on pourrait penser que rien ne peut bouger.

Mais comme l’a démontré la crise liée à l’invasion de l’Ukraine en février 2022,  au niveau des choix politiques de l’Europe, c’est dans une période troublée que les choses peuvent évoluer, bouger même radicalement.

«Si tu veux la paix, prépare la guerre».

Cette guerre d’invasion de l’Ukraine pose le problème de la protection des citoyens européens, membres des 27 pays de l’Union européenne. Partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune, la politique de sécurité et de défense commune existe au moins sur le papier des traités. Plus structurée  qu’une alliance de défense, ce nouvel instrument dont les objectifs avoués sont de doter l’Union d’une capacité opérationnelle afin d’assurer le maintien de la paix,de travailler à la prévention des conflits et de participer au renforcement de la sécurité internationale trouve progressivement sa place. Mais la lenteur et la progressivité demeurent problématiques et inopérantes face aux menaces de plus en plus pressantes.

La nécessité́ d’une défense européenne depuis l’invasion de l’Ukraine rend impératif de rechercher une solution rapide, très rapide.

Besoin de partager une  vision stratégique, d’articuler cette stratégie avec une diplomatie commune, d’utiliser les fonds européens pour commencer à structurer l’industrie européenne de l’armement, en accélérant les programmes de recherche et de transfert de technologie, en amenuisant sa dépendance technologique aux américains et chinois, tel est l’enjeu de la défense de l’Europe – Ici et Maintenant.

Les Européens doivent donc s’organiser pour assurer leur sécurité, faire de l’Union une puissance géopolitique  – enfin – capable de représenter à l’échelle du monde un demi milliard d’habitants et répondre à cette remarque de 1970 d’Henry Kissinger «L’Europe, quel numéro ?»

L’Union européenne a décidé́ récemment de contribuer à améliorer les capacités militaires de ses États membres, est-ce suffisant ? Assurément non !

Tous les états de l’union possèdent leurs propres histoires militaires, leurs structurations avec leurs forces armées nationales  qu’il convient de valoriser, d’amplifier leurs actions en créant de plus fortes synergies, en élaborant un modèle européen propre comme nous l’avons déjà réalisé par le passé avec Airbus.

L’histoire de notre pays, les choix politiques des gouvernements successifs ont sacralisé la dissuasion nucléaire en complémentarité de l’aptitude opérationnelle des forces conventionnelles.

Moyen de notre souveraineté, chacun sait que la dissuasion n’a de sens que si la panoplie des forces est complète et disponible. On pressent bien que les efforts budgétaires militaires français seraient décuplés en les mutualisant avec ceux des autres armées des pays de l’union européenne.

L’urgence nous commande donc d’inventer un modèle d’armée nouvelle, européenne, en cohérence avec le cadre de l’OTAN, confortée par une  politique industrielle européenne  de l’armement avec une structuration industrielle du secteur européen de la défense où chaque membre l’Union trouvera sa place.

Il est grand temps d’appliquer la théorie du « réalisme offensif » du Professeur John Mearsheimer qui  dès le début des années 1990, avait averti qu’un conflit entre l’Ukraine et la Russie était possible…Il avait vérifié à l’époque la réflexion de Victor Hugo : «Avoir tort le premier jour et raison le second, voilà l’histoire de tous les grands apporteurs de vérités.»

Pour assurer notre sécurité, l’Europe doit donc accroître sa puissance militaire  afin d’atteindre une hégémonie régionale et une souveraineté européenne…. Si tu veux la Paix, prépare la guerre !

Pierre PRIBETICH

Ancien Député européen

Premier Vice-président de Dijon-Métropole,

Maire-Adjoint de Dijon,

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